Pour nous Européens, la Grèce a longtemps été " le pays de notre désir ", selon la belle formule de Nietzsche. Mais est-ce encore le cas ? L'humanisme traditionnel apparaît aujourd'hui d'autant plus dépassé que le monde qu'il a contribué à édifier, fondé sur l'homme rationnel, maître de soi et de la nature, touche désormais à sa fin. Si l'on veut que la " source grecque " puisse être à nouveau féconde pour une Europe en mal de définition et d'orientation, il importe de retrouver la mémoire de ce qui fut l'invention grandiose de l'aventure grecque : l'homme n'est pleinement homme qu'à la mesure de son défaut d'être ; c'est à l'épreuve de sa limite et de sa condition de mortel qu'il peut s'accomplir et construire un monde commun. Pour devenir ce que nous sommes, pour trouver notre essentielle destination, il serait grand temps de reprendre le chemin de cette dimension fondatrice.