On considère le plus souvent que le tournant réalisé par la modernité se caractérise par la destruction de l'ancienne union entre l'homme et le cosmos, et se ramène alors à la fin de tout providentialisme. Descartes ne sonne-t-il pas le glas de la pensée scolastique en faisant des mathématiques le mode de représentation privilégié du réel°? Kant ne radicalise-t-il pas cette rupture en faisant de la métaphysique une illusion°? Cette version de l'acte de naissance de la pensée moderne se heurte pourtant à la persistance profonde du providentialisme dans les philosophies les plus représentatives de la modernité. Comment expliquer la persistance de ce motif°? C'est en remontant jusqu'à sa formation dans la pensée grecque, en en suivant le développement à travers la pensée chrétienne jusque chez Nietzsche, Heidegger et Merleau-Ponty, que l'auteur tente de répondre à cette question. La providence apparaît alors moins comme un thème que comme l'élucidation du rapport entre la pensée et le divin. Ouverture de l'homme vers l'inobjectivable et vers l'imprévisible, la providence est l'autre nom de l'utopie. Réhabiliter ainsi la philosophie, en évitant les deux écueils du positivisme épistémologique et du négativisme de la déconstruction, c'est lui confier la tâche de déchiffrer les signes toujours singuliers de l'avenir. Et cette attente paradoxale, à même de nous sortir du nihilisme, ne peut que renvoyer à un Dieu d'amour