Pendant quinze ans (1541-1556), Ignace de Loyola gouverna la Compagnie de Jésus qu'il venait de fonder avec neuf étudiants de l'Université de Paris. Comment donc s'y prit-il pour intégrer en un " seul corps " ces jeunes hommes si différents de nationalité, d'origine, de mentalités et même de grâces ?… pour insérer dans des structures canoniques d'obéissance leur amour de la liberté évangélique ?… pour orienter vers un " style " commun leur élan missionnaire qui, dès le Voeu de Montmartre (en 1534), se voulait à la mesure du monde ? Questions graves ! De la réponse qu'on leur fournit dépend une plus juste connaissance de la personnalité d'Ignace et de l'idée qu' il se faisait de la Compagnie de Jésus. Par chance, quelqu'un nous éclaire cette aventure merveilleuse mais souvent dramatique : Juan-Alphonso de Polanco, ce " parfait secrétaire " qu'Ignace s'adjoignit en mars 1547 et qui, pendant neuf ans, fut le confident quotidien de la pensée du Général et le témoin de ses réactions à l'événement. A l'aide des documents d'origine et des correspondances minutieusement conservées, Polanco composa ce qu'il appelle le Chronicon (des chroniques). Nous avons prélevé, selon le projet de Polanco lui-même, ce qui concerne les relations d'Ignace avec ses tout premiers compagnons. De cette présentation se dégage une certaine atmosphère, l'authentique atmosphère dans laquelle s'est façonnée la Compagnie naissante et où elle a pris peu à peu conscience de sa " Vocation " originale dans l'Eglise militante du Christ.