" Rembrandt a quatre cents ans. C'est presque aussi bien que don Quichotte. C'est deux fois mieux que mon grand-père et mon père réunis. Rembrandt nage tout là-haut, c'est un peu comme Homère et la poignée de navrés à la triste figure qui nous serrent très fort le coeur. Rembrandt, on l'a tous croisé un jour ou l'autre. Moi c'était à Amsterdam, je n'avais pas encore vingt ans et la nuit le finissais par m'endormir malgré les réverbères de Rembrandt plein où donnait la chambre de notre hôtel minable et merveilleux. Ce qui m'a touché d'emblée au Rijksmuseum ce sont les autoportraits. Et j'ai envoyé à mon grand-père la carte postale où il ressemble à Rembrandt en apôtre Paul. Et je me suis acheté, pour une poignée de florins, mon premier Rembrandt où j'ai lu que ce maître avait ouvert les yeux à tous ceux qui sont beaucoup plus teinturiers que peintres de sorte que leurs oeuvres évoquent les boîtes de toutes les couleurs qu'on trouve dans une mercerie. Ensuite c'est mon père qui s'est mis à ressembler à la carte postale. On finit tous par vieillir. Et lui, il est devenu aveugle et le nom de Rembrandt est un des derniers mots qu'il m'ait adressés avant de mourir. " B. C.