Un corps pour deux
Petite philosophie de la grossesse
La grossesse concerne non seulement toutes les femmes – au moins comme une possibilité inscrite dans leur corps –, mais aussi chacun de nous, car nous sommes tous nés du corps d'une autre qui nous a portés avant que nous soyons jetés dans le monde !
À l'heure où il est possible de décider de ne plus avoir de règles, de ne pas être enceinte, ou même de recourir au corps d'une autre pour porter son enfant biologique, il devient urgent de penser ce phénomène si particulier de la grossesse.
L'enjeu est de taille : soit nous continuons à invisibiliser le corps des femmes, les dépossédant de ce qui se passe en elles, tout en effaçant la dette que nous avons envers le corps maternel ; soit – et c'est l'option de l'auteure – nous reconsidérons les femmes comme sujets de leur propre grossesse en osant penser la spécificité de leur corps.
« Lorsque je suis enceinte, un ébranlement s'opère. Désormais je ne suis plus jamais seule. Et je ne suis plus, puisque je suis toujours entremêlée à un autre. Je suis deux pour un même corps, ou plutôt deux pour deux corps imbriqués. Le sujet enceint en est bouleversé. »
Philosophe, féministe et mère de trois enfants, Marie Leborgne Lucas est agrégée de philosophie et enseigne la philosophie au lycée.